J'avais très envie de partager avec vous cette phrase que je trouve très inspirante.
La façon dont je fais une chose est la façon dont je fais toutes choses.
Cette phrase est limpide. Elle résonne comme une déclaration d'alignement, de congruence. Eventuellement, je sais qui je suis. Eventuellement, je sais pourquoi je suis là. Mais surtout, je sais je suis là.
Cette phrase m'interpelle parce qu'elle résonne en contrepoint d'une posture soi-disant moderne qui a la vie dure. C'est ce discours, souvent implicite, parfois encore explicite, qui consiste à dire que "seul le résultat compte". C'est cet attachement un peu maniaque à "la réalité objective des choses".
Evidemment, à force d'arriver à ses fins (ou d'y échouer), on finit par perdre l'habitude de se poser des questions sur les intentions qui nous animent. L'activité doit être profitable, le but doit être atteint, le chemin doit être clairement balisé. La prise de risque mérite un dividende, je ne dis pas le contraire. Tout travail mérite salaire, OK OK OK... Et donc, l'étape suivante, c'est de confectionner une stratégie et un budget, que ce soit à titre personnel ou professionnel, où tout cela va être mis en musique. Cette stratégie devient alors la partition qui, correctement jouée, produira la douce mélodie du return on investment. C'est précisément là qu'émergent froideur et instrumentalisation. Ni la bottom-line ni même les actions entreprises ne pètent mot sur l'esprit dans lequel tout cela a baigné, sur le plaisir avec lequel tout cela a été fait, sur les intentions qui ont nourri ce beau projet.
Et pourtant, la façon dont je fais une chose est la façon dont je fais toutes choses.
La façon dont j'ai rangé ma tasse de thé hier soir est la façon dont je contribue à la qualité de mon environnement immédiat.
La façon dont je recycle mon gobelet en plastique est la façon dont je m'implique pour la préservation de la planète.
La façon dont j'ai répondu à mon dernier mail entrant est la façon dont je communique avec les gens.
La façon dont je me suis acquitté de ma dernière tâche est la façon dont je m'épanouis dans mon boulot.
La façon dont j'ai souri à mon voisin de Thalys est la façon dont je crée du lien.
La façon dont j'émince cet oignon est la façon dont j'ai envie que tu te régales.
La façon dont je te demande comment tu vas est la façon dont je me soucie de toi.
La façon dont je te dis "je t'aime" est la façon dont j'aime le vivant, et la terre entière.
Dans chaque acte, même insignifiant, même répétitif, même presque automatique, je peux placer une intention d'une beauté quasi-infinie. Quel paradoxe n'est-ce pas? L'insignifiance de l'acte comme support de la magnificence de l'intention. La façon dont je place une nouvelle rame de papier dans l'imrimante pour le prochain utilisateur est la façon dont je prends soin de mes collègues. La façon dont j'allume une bougie à la maison est la façon dont je passe une soirée en famille. Chaque acte, lorsqu'il est imprégné d'une intention consciente, est d'une portée infinie.
C'est vrai pour les coaches qui accompagnent les animateurs du changement dans les organisations, et c'est vrai aussi pour les thérapeutes qui accompagnent individuellement: l'effet de levier, quand on porte du soin à la façon dont on fait les choses, est tout simplement phénoménal. Et libérateur. Quoi que je fasse, même dans les actes les plus anodins, je peux déjà mettre la plus belle des énergies, la plus délicate des intentions. Et là, déjà, je suis en chemin. Je suis en lien à cette vision avec un grand V (ou l'essence de mon Être si vous préférez, quoi que cela puisse vouloir dire). J'arrête de me dire que j'y arriverai plus tard. D'une certaine façon, j'y suis déjà puisque je le fais de cette façon-LA ! La vision prend alors corps, elle devient déjà palpable. Quelle jouissance, non?
Focus sur les organisations. Vous aussi, ça vous fait penser à quelque chose? Scrum par exemple? Quelle que soit la tâche que je sélectionne dans mon kanban, j'y place l'intention globale qui anime tout le projet. Cette intention est omniprésente, du premier au dernier sprint, à tous les niveaux de l'holarchie des artefacts agiles, du plus anodin de mes commentaires sur Slack jusqu'au plus considérable des épiques managériaux.
La façon dont je fais une chose est la façon dont je fais toutes choses.
Gardez cette phrase à l'esprit. Dans quelques secondes, juste avant de poser votre prochain geste machinal, arrêtez-vous. Placez votre attention sur cette tâche. Rassemblez les intentions qui vous ont amenés dans cette situation et orientez-les vers cette tâche. Lentement, exécutez-là alors. Et dites-moi ce que vous aurez ressenti. Pour moi, quand les intentions sont belles et bienveillantes, cela fait émerger deux choses. D'abord une satisfaction très instantanée, très éphémère: le plaisir de bien faire les choses. Et puis une autre chose, très durable, presque éternelle, quelque chose de l'ordre de la puissance infinie. Le plus insignifiant de mes actes est un levier avec lequel je peux soulever le monde. Cet acte est le changement du monde. Cet acte insignifiant devient le but de ma vie. Le temps d'en jouir, il a glissé vers le passé et la Vie continue.